Liste PS : un Plan Marshall pour le centre-ville ? Vraiment ?!

Utiliser des références historiques en politique est chose légitime, encore faut-il savoir de quoi on parle. Les vœux de la section PS de Millau citent ainsi Jean Jaurès – inspirateur sans doute des projets ultra-libéraux de M. Hollande ? – tandis que M. Durand annonce « un vrai Plan Marshall » pour le centre-ville, « doté d’une enveloppe de 15 M € » (Midi-Libre, 19 janvier). Cette expression a beau être passée dans le langage commun, son emploi – un peu ringard – dans le débat politique pose toujours des questions, comme dans le cas du « Plan Marshall » pour les banlieues, saupoudrage concocté par Nicolas Sarkozy et Fadela Amara en 2008, avec les résultats flamboyants que l’on connaît.

Étant, entre autres choses, historien de l’Europe contemporaine, je voudrais faire ici un bref rappel de ce que fut réellement le Plan Marshall afin de montrer comment cette référence passe-partout révèle en grattant un peu l’approche politique hautaine, en vase clos, avec laquelle la liste Front de Gauche – « Millau c’est vous ! » voudrait rompre une bonne fois.

Après 1945, l’Europe, dévastée par les conséquences du criminel expansionnisme hitlérien, est à reconstruire. USA et URSS, anciens alliés et nouveaux rivaux, se sont partagés le continent et cherchent à asseoir leurs zones d’influence. Face au poids des partis communistes soutenus par Moscou dans les pays d’Europe de l’Ouest (France, Italie…) les USA envisagent un plan massif d’aides et de crédits pour endiguer cette « menace ». La condition de l’aide est bien sûr un alignement sur les USA, qu’en France les conservateurs et la SFIO (ancêtre du PS) accueillent à bras ouverts. S’ensuit, dans le contexte de croissance économique des années 50 et 60, une reconstitution de l’Europe de l’Ouest, les « Trente Glorieuses », le miracle allemand en RFA…

Replacé dans le contexte millavois d’aujourd’hui, ce « Plan Marshall » est assurément un clin d’œil amusant et érudit à la présence de communistes sur la liste « Millau c’est Vous ! ». On chercherait à endiguer la faveur croissante avec laquelle les Millavois accueillent notre démarche qu’on ne s’y prendrait pas autrement… Trêve de plaisanteries, les membre de la liste Front de Gauche vivent dans le présent et ont, comme le chantait Jean Ferrat, « les yeux ouverts en grand sur le réel »… Ainsi, après des années passées à négliger la zone en-deçà des arcades de la rue Saint-Martin (Check-point Charlie millavois ?), zone qui ne voit jamais la couleur jaune d’un gilet des services espaces verts (ah, ces beaux ronds-points des Aumières par contre !), la municipalité serait enfin prête à mettre le le paquet. Les destructeurs et les Sauveurs pourraient-ils être les mêmes ? Analyse inattendue du Plan Marshall, pour le moins.

L’autre problème, c’est que le Plan Marshall ne fut pas juste une corne d’abondance, ce fut aussi la matrice de toutes les politiques technocratiques qui ont bâti l’Union Européenne d’aujourd’hui, dirigée sans les peuples (cf. referendum de 2005)… C’est là qu’il faut faire un parallèle de méthode avec les conditions de la mise en œuvre dudit Plan pour Millau, indiquées dans la suite de l’article cité : « en partenariat avec la communauté et l’Office Public de l’Habitat »… Oui mais, et les habitants, alors ! ? Ils ne font même plus semblant d’être démocrates cette fois-ci !

La population de Millau mérite pourtant autre chose que le choix Durand d’une politique sans les gens, et le choix Saint-Pierre de l’urbanisme confié à un promoteur immobilier.

À « Millau c’est Vous ! », nous disons que sur les 15 millions d’euros avancés, il n’est pas nécessaire d’en faire passer le tiers dans les poches de cabinets d’études, et que le retour à la vie de notre centre-ville se fera avec ceux et celles qui y vivent et/ou y travaillent.

Nous disons aussi que mieux-vivre en centre-ville, ce n’est pas forcément dépenser de l’argent public à tout-va. Rééquilibrer le partage de l’espace entre piétons, cyclistes et voitures ne nécessite pas de défoncer la voirie de toutes parts : pourvu que l’on sache ce que l’on veut, quelques panneaux et barrières suffiront souvent. Ce n’est là qu’un exemple. De façon générale, nous mettrons en place des comités permanents, égalitaires, où viendra qui voudra, et où les gens ne seront pas seulement appelés à s’exprimer, mais aussi à décider. C’est là une vraie volonté de démocratie, mais aussi d’efficacité : n’oublions jamais que les habitants sont les meilleurs experts de leur quartier !

Quand tous les autres veulent prendre la mairie, nous voulons rendre la Cité aux Citoyens.

(F. Bouloc)

(illustration : Wikipedia Commons)